CONCLUSION

 

Du modèle fonctionnel de la flûte à bec, nous retiendrons que le corps sonore est le siège d’ondes stationnaires périodiques, résultantes de l’addition d’ondes progressives incidentes et réfléchies. Sous l’effet de la surpression, dans certaines zones du corps de la flûte, l’air oscille tandis que dans d’autres points, l’air ne bouge pas. L’amplitude des oscillations varie de façon périodique. Si l’on ne change pas de doigté, les ventres de déplacement ainsi que les nœuds se situent toujours aux mêmes endroits du corps de la flûte, quel que soit le temps. C’est en déterminant l’espacement entre deux nœuds (ou ventres) que l’on détermine la longueur d’onde de l’onde stationnaire établie, et donc la note entendue.

Il convient de rappeler toutefois que cette étude sur le principe de fonctionnement de la flûte à bec n’a pas la prétention de refléter la réalité de tous les phénomènes mis en jeu lors de l’utilisation de l’instrument. Elle constitue simplement un « outil à penser » qui peut se révéler efficace si l’on éprouve le besoin d’interpréter des observations que tout musicien est amené à faire. Par exemple, ce modèle nous a servi dans la partie expérimentale de cette étude, lorsqu’il s’agissait d’expliquer les variations de timbre lors de l’exécution d’un doigté de fourche ou de comprendre les notions de registres.

L’analyse spectrale, à elle seule, nous a permis de mettre en évidence quelques caractéristiques souvent bien connues du son de la flûte à bec : pureté du timbre, influence des doigtés et de la forme de la cavité buccale sur le timbre etc. L’acoustique musicale générale peut se révéler utile lorsqu’un musicien ressent le besoin d’être conforté dans ses impressions. Nous avons vu à ce sujet, le cas du flûtiste Dan Laurin, qui s’est associé à des physiciens afin de prouver qu’une forme de cavité buccale avait des effets similaires sur le spectre de la voix et sur celui de la flûte à bec.

Malgré tout, si la recherche en acoustique est indispensable et profite souvent aux artistes, la rencontre entre physiciens et musiciens est parfois difficile. Le physicien fait, par exemple, souvent l’hypothèse de sons périodiques donc de durée infinie, ce qui paraît être une hérésie pour le musicien qui sait que la qualité d’un son dépend de sa durée, de son évolution, de la façon dont il est attaqué et coupé. Emile Leipp illustre très bien ce problème dans l’introduction de son ouvrage acoustique et musique : « La science manipule des grandeurs physiques bien définies et s’intéresse aux phénomènes précis, reproductibles ; mais l’art utilise des grandeurs psychologiques, floues par définition, puisque l’homme n’est pas normalisé, et s’intéresse à des phénomènes qui ne sont, en fait, jamais reproductibles en toute rigueur. Il semble donc que l’acoustique musicale implique des impératifs inconciliables : science exacte, ce n’est pas une science précise, et on comprend son discrédit auprès des scientifiques « purs » ». Ajoutons cependant, pour nuancer ce propos,  que l’acoustique musicale est une science qui progresse constamment . Ces dernières décennies, grâce notamment aux progrès technologiques et au développement de l’électronique, l’acoustique s’est beaucoup développée. Elle se rend alors indispensable, rassure quelquefois le musicien en l’aidant dans la compréhension de son instrument, assiste les facteurs lors de leurs recherches sur des nouvelles sonorités ou des nouveaux matériaux... Enfin, part non négligeable, elle a apporté une nouvelle façon de transmettre des connaissances. En effet, même si la transmission du savoir de professeur à élève et de génération en génération est une chose magnifique et irremplaçable, la science permet aujourd’hui, grâce aux procédés d’enregistrement, de garder la trace des interprétations de tous les grands artistes. Qui n’a pas rêvé de pouvoir entendre, aujourd’hui, la quarantième symphonie de Mozart dirigée par lui-même ?

Le lien entre la science et la musique est donc complexe, mais la collaboration entre ces deux sphères est nécessaire, féconde et prometteuse.